Aujourd’hui, Aventurieux vous présente une femme, parisienne, qui a particulièrement oeuvré pour la condition des femmes, sans pour autant se revendiquer féministe. Il s’agit de Marie-Reine Guindorf les amis !
Vous ne le saviez peut-être pas mais les femmes ne sont pas toujours restées bien sagement à la maison à s’occuper de leurs enfants, ou de leur toilette (on parle ici de leur garde-robe bien-entendu). Et ce, même au XIXème siècle !
Une femme rédactrice en chef au XIXème
C’est en 1832 que Marie-Reine Guindorf a une idée folle. Créer un journal de femme, écrit par et pour des femmes, et qui ait la même réputation que les journaux d’hommes. Eh oui, car à l’époque, les journaux à destination des femmes traitent de mode et de beauté, ainsi que de recettes miracles pour bien faire son ménage. Marie-Reine ne veut pas de cela. Son journal traitera de politique, de faits sociétaux ou encore d’industrie !
Ce journal, c’est La Femme Libre. Il comportera 8 pages entièrement rédigées par des femmes. Des femmes qui viennent d’un milieu plutôt ouvrier d’ailleurs ! N’en déplaise au cercle masculin intello parisien des rédactions du XIXème. En effet, Marie-Reine est à l’origine ouvrière lingère. Son associée Jeanne-Désirée Véret est ouvrière modiste. L’une des rédactrices Jeanne-Victoire Deroin est une ancienne ouvrière lingère devenue institutrice. Eh oui ! Les femmes de ce temps ne s’intéressent pas qu’aux belles robes !
Un engagement pour la liberté de la femme
D’ailleurs le premier numéro sera sous-titré “Apostolat des femmes” (en téléchargement ici). Un article signé Jeanne-Victoire Deroin dénoncera :
“Lorsque tous les peuples s’agitent au nom de Liberté, et que le prolétaire réclame son affranchissement, nous, femmes, resterons-nous passives devant ce grand mouvement d’émancipation sociale qui s’opère sous nos yeux ? Notre sort est-il tellement heureux, que nous n’ayons rien aussi à réclamer ? La femme, jusqu’à présent, a été exploitée, tyrannisée. Cette tyrannie, cette exploitation, doivent cesser. Nous naissons libres comme l’homme, et la moitié du genre humain ne peut être, sans injustice, asservie à l’autre. Comprenons donc nos droits ; comprenons notre puissance ; nous avons la puissance attractive, pouvoir des charmes, arme irrésistible : sachons l’employer. Refusons pour époux tout homme qui n’est pas assez généreux pour consentir à partager son pouvoir ; nous ne voulons plus de cette formule, « Femme, soyez soumise à votre mari ! » Nous voulons le mariage selon l’égalité… Plutôt le célibat que l’esclavage!”
Déclin du journal
Aventurieux s’est demandé pourquoi un tel journal avait périclité… Et nous avons été choquées. Choquées d’apprendre comment cette belle histoire qui oeuvrait pour l’équité homme-femme au sein des rédactions s’était terminée. Choquées d’apprendre qu’une si belle initiative n’ait pu durer que quelques mois. Choquées d’apprendre que cela n’avait rien à voir avec la gestion du journal…
Eh oui, c’est à cause de procès lancés par des hommes que l’aventure s’arrête pour Marie-Reine et ses collaboratrices. La trésorerie du journal ne survivra pas à cette débâcle judiciaire.
Le mouvement saint-simonien
Ce qu’il faut savoir, c’est que la plupart des femmes de la rédaction s’était parallèlement engagées dans un mouvement idéologiste. Le saint-simonisme, créé par Henri de Rouvroy de Saint-Simon. L’idée était d’avoir foi dans l’industrialisme afin de gagner liberté et émancipation.
Ce mouvement intègre d’ailleurs au coeur de sa pensée, la question de la place de la femme dans la société. D’ailleurs, beaucoup de femmes se retrouvent propulsées au sommet de la hiérarchie du mouvement dans les années 1830.
C’est d’ailleurs grâce au soutien des hommes du mouvement qu’une femme, Julie-Victoire Daubié, pourra passer avec succès son baccalauréat en 1861. Récompense suprême, c’est un ministre qui lui remettra son diplôme ! Elle finira journaliste économique. Incroyable pour l’époque !
Bien-sûr cela est mal vu dans la société. Les autorités intentent donc des procès au mouvement pour soupçons d’immoralisme… Le saint-simonisme a donc fini par tomber dans l’oubli…