Nous avons retrouvé Anne-Sophie Deville sur l’un des observatoires du site de la Capelière qui se trouve sur la réserve naturelle nationale de Camargue. C’est l’un des endroits accessibles au public. Elle nous raconte son parcours, son amour de la Camargue et nous donne son opinion sur les enjeux climatiques.
La Vulgarisation scientifique, une véritable passion
Après des études de biologie et une thèse sur le Flamant Rose de Camargue, Anne-so se tourne vers la vulgarisation scientifique. Ce qu’elle aime par dessus tout c’est relevé le challenge de réussir à faire comprendre la biologie au grand public avec un langage adapté et compréhensible par tous. Passionnée par la nature depuis toute petite, elle a à coeur de partager ses connaissances. En 2015, elle crée alors son compte instagram @anneso_what où elle commence par partager de jolie photos de la Camargue. Puis en 2018, elle se lance et commence à nous livrer ses Insta(Wild)Culture révélant des anecdotes surprenantes sur un large panel d’espèces animales.
“L’idée est d’y donner des infos de manière assez rigolote pour catcher l’attention du grand public même si ce public là n’est à la base pas forcément sensible à la cause animal ou à la nature. C’est une façon d’essayer de raconter de l’extraordinaire sur de l’ordinaire. Des espèces qui nous paraissent totalement communes, si on cherche bien, il y a vraiment des faits biologiques qui les concernent qui ont un peu un effet “Wahou” et c’est ça qui m’a donné envie de protéger la nature. C’est se rendre compte qu’il y a vraiment des choses extraordinaires et insolites dans la nature qui nous entoure.” @anneso_what
À quoi ressemble la vulgarisation scientifique en 2019 ?
“Aujourd’hui on a la chance d’avoir plusieurs plateformes (comme les réseaux sociaux) pour s’exprimer. C’est une chance mais il faut aussi savoir faire le tri parce qu’il y a énormément d’informations sur internet qui ne sont pas toujours vérifiées par des experts scientifiques. On a vraiment cette possibilité de se réaliser puisque l’on a des choses à dire et que l’on n’a plus forcément besoin de passer par des canaux très officiels où il est compliqué de se faire une place.”
En quoi la Camargue est-elle différente des autres régions et pourquoi est-ce qu’elle t’as attiré plus que les autres ?
“La Camargue c’est l’un des rares endroits en France que l’on nomme alors que ce n’est pas une région. Elle est sur deux départements : le Gard et les Bouches du Rhônes. C’est comme si on lui avait donné un nom pour englober un autre pays, d’ailleurs on parle du pays de Camargue. C’est donc une petite bulle à part qui est très différente au niveau paysager, l’histoire des Hommes y est très différente. C’est un territoire qui a autant rebuté de part les moustiques, de part la malaria, les terres y sont salées et difficiles à cultiver mais qui a autant été un lieu de convoitise parce que très riche. C’est un delta, cela produit énormément de richesses et de ressources.
Et quand j’étais en licence, j’ai fait un stage d’une semaine à la Tour du Valat qui est un observatoire à côté d’ici et je me rappelle que lorsque l’on est venu me chercher à l’issu de cette semaine j’ai dit “ je crois que j’ai attrapé le virus”. Je n’avais qu’une envie, c’était d’y retourner et j’ai tout fait après pour faire ma thèse en Camargue pendant 3 ans.
C’est une terre qui est très attachante car elle peut paraître autant riche avec des milieux très verts, très boisés, et autant très aride, on sent que la nature se bat pour y vivre, la terre est salée, très contraignante et on a jamais finis d’en faire le tour. Chaque recoin vaut le coup, je suis loin de tout connaître et pourtant j’y ai passé du temps. Tout peut être submergé avec les entrées maritimes puis la vie doit reprendre à nouveau ses droits. C’est un peu comme une mère qui serait plus proche de son enfant le plus fragile. Je pars dans des délires, mais c’est ça au fond. On s’attache souvent à des terres qui ont besoin de nous qui ont cette fragilité. Et la Camargue, elle a un côté très fragile qui la rend encore plus attachante.”
On a dans l’idée qu’il faut partir loin pour voir une biodiversité riche qu’est-ce que tu en penses ?
“On a énormément de chance car nous sommes dans un pays qui a une diversité de milieux naturels considérable et on peut, sans faire beaucoup de kilomètres, surtout dans le sud de la France, j’ai l’impression, après je ne connais pas très bien les autres régions mais dans le sud en tout cas j’ai l’impression qu’il suffit de rouler 1h et d’arriver à la montagne ou à la mer. La Camargue c’est un monde complètement à part et il faut s’intéresser à ce qu’on a chez nous.
Après comme tout le monde, quand je prends l’avion j’ai une déconnexion qui est encore meilleure même si c’est purement psychologique parce que l’on peut avoir des déconnexions et des dépaysements et des émotions très forts sur notre territoire aussi.”
Est-ce que le réchauffement climatique a un impact sur la Camargue ?
“La Camargue c’est un territoire qui est en pleine mutation. On entends notamment beaucoup parler du recul du trait de côte, la mer avance de plus en plus. Il y a des données qui sont de plus en plus alarmistes puisque chaque année le niveau de la mer monte. Les défis pour ce territoire magique qu’est la Camargue, c’est sans aucun doute ce recul du trait de côte, on perd chaque année du terrain en Camargue pour plusieurs raisons. 70% des terres de Camargue se trouve en dessous du niveau de la mer donc ça veut dire que quand l’eau rentre, quand il y a des immersions marines c’est difficile d’évacuer l’eau par la suite. En plus, le niveau marin monte chaque année un peu plus, on est à 3,5 cm par an. Malgré quelques endroits où la terre progresse, c’est minime par rapport à ce que la mer regagne ailleurs.
En 10 ans, on a perdu 300 hectares de terre. Cela inquiète beaucoup les camarguais et beaucoup de manadiers qui ont leurs terres pour faire pâturer leurs taureaux donc c’est un gros gros enjeux. Il faut que les Hommes se mettent autour de la table pour parler ensemble de ce qu’il faut faire. Alors que pendant des années on a voulu croire à la toute puissance de l’Homme et de ses techniques, on a mis des digues partout, on commence à comprendre qu’il faut jouer avec ces dynamiques naturelles pour pouvoir enrayer ce processus de réchauffement climatique qui est dû à une diminution des apports de sédiments du Rhône.
La Camargue est donc une terre qui est passionnante parce qu’elle est en pleine mutation, il y a des événements naturels qui nous dépassent avec lesquels il va falloir jouer dans les années à venir si on veut continuer à vivre ici en Camargue, sereinement, si c’est possible, avec la nature.”
Est-ce que tu as constaté un changement pendant tes 3 années de thèse ?
“Oui il y a beaucoup de changements au niveau des espèces. Les grues cendrées par exemple, il y en a de plus en plus qui viennent passer l’hiver ici en Camargue. C’est une très bonne nouvelle pour les grues mais ça pourrait commencer à poser problèmes aux riziculteurs puisqu’elle se nourrissent dans les rizières.
Au niveau paysager, il y a de gros changement notamment parce que dans les salins il y a eu des modifications au niveau de la gestion de l’eau. On a laissé la mer rentrer, ce qui est une bonne chose puisqu’on laisse à nouveau la nature faire, mais cela a eu des impacts au niveau paysager.”
Quel est ton ressenti sur la lutte pour le climat ?
“Je pense qu’il y a une réelle prise de conscience, c’est certain. De plus en plus de gens vont faire attention à ce qu’il consomment. Mais on touche à de tels paradigmes comme la grande distribution. Je pense qu’il ne se passera rien de révolutionnaire tant que ces gros paradigmes sont installés. Je pense vraiment à la grande distribution qui détient tout ce système là. C’est lié à des systèmes bancaires avec des placements d’argent alors que si on fait un circuit court avec juste le producteur et le client, le consommateur, on enlève tout un système qui est connecté au système bancaire. Mais on est dans des pays qui ne sont pas prêts à l’accepter. Il y a une prise de conscience au niveau individuel mais pour qu’il y ait un vrai changement, oui, cela passe par le consommateur mais à une telle échelle que c’est pas pour demain. La PAC impose des réglementations donc malheureusement je pense que cela va prendre du temps. Mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas, à notre échelle, faire ce qu’on peut. Ça montre qu’il y a une motivation en bas de la pyramide.”
Et vous que pensez-vous de cette lutte pour le climat ?
Pour suivre les Insta(Wild)Culture d’Anne-so c’est par ici !
Photo 1 : @fabwildpix
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